En ouvrant ce blog, je suis très consciente du privilège que me confère cet outil exceptionnel de communication dont nos grands maîtres de la littérature auraient pu faire un si bel usage !
Désormais,je pourrai communiquer, échanger, alerter, informer, débattre, et les thèmes de préoccupations ne m'ont pas manqué ..tout au long de ma vie professionnelle de professeur de français, d'inspectrice pédagogique régionale, d'Inspectrice d'Académie puis de Députée à l'Assemblée Nationale..
je sollicite l' indulgence car cette pratique, nouvelle pour moi , risque de me désarçonner parfois..
Odette Trupin
Sur Jérôme Cahuzac, je préfère tristement ne rien ajouter. Je traiterai plutôt de la question de fond : comment moraliser la vie politique ?
L’interrogation se pose après chaque affaire avant d’être oubliée en attendant la suivante. Ou pour être moins pessimiste, nous y donnons des réponses même si elles n’éradiquent pas la corruption ou les conflits d’intérêts. Reconnaissons aussi qu’après plusieurs scandales, à force de lois de gouvernements socialistes, la France est devenue un pays ayant une législation exemplaire en matière de financement de la vie politique et des campagnes électorales. De même, notre pays réprime sévèrement les infractions pénales commises par les élus, même s’il se montre moins performant dans la prévention.
François HOLLANDE vient d’annoncer des mesures qui s’intégreront dans une loi annoncée pour l’été. J’espère qu’elles feront corps avec un dispositif large et puissant en faveur de la déontologie. Nous devons tous nous engager dans cette voie sauf à approfondir encore davantage la crise de confiance qui frappe durablement notre pays.
J’ai formulé quelques propositions en faveur de la moralisation de la vie publique. Elles tiennent compte de l’état de notre droit et des contraintes constitutionnelles qui sont les nôtres. La plupart sont appliquées depuis des années, parfois des décennies dans de nombreux pays, en particulier aux États-Unis, en Angleterre ou en Scandinavie. Je les développe dans un article que la revue « Pouvoirs » consacrera en septembre au "Renouveau du Parlement".
Les voici, énoncées de façon lapidaire :
1/ Publier les déclarations de patrimoine, d’activités et d’intérêts des ministres, des parlementaires et des grands élus locaux.
Ces déclarations existent déjà. La déclaration de patrimoine permet d’apprécier un éventuel enrichissement pendant le mandat. La déclaration d’activités a pour objet de vérifier les incompatibilités prévues par la loi, par exemple entre le mandat parlementaire et une fonction de direction dans certaines entreprises. La déclaration d’intérêts mentionne les actions détenues dans des sociétés ou les responsabilités exercées dans l’ensemble des organismes. Pour les sénateurs, elle fait l’objet d’une publication sur le site du Sénat. Voir la mienne http://www.senat.fr/declarations_activites_interets/declarations/anziani_alain08025t.pdf
2/ Confier à une haute autorité indépendante l’examen de ces déclarations et celles de leurs proches et lui donner le pouvoir d’émettre des recommandations à la personne concernée, de saisir le Procureur de la République en cas d’infractions pénales et le Conseil constitutionnel en cas d’incompatibilités afin de démission d’office.
Actuellement, les déclarations de patrimoine sont déposées auprès de la commission pour la transparence financière de la vie politique. Les deux autres le sont auprès du bureau du Sénat ou de l’Assemblée nationale. Dans les faits, il n’y a quasiment aucun contrôle véritable.
3/ Rendre incompatibles les fonctions de ministre et le mandat parlementaire avec une activité professionnelle rémunérée ou procurant un avantage quelconque, sauf exception concernant les activités d’enseignement et de publication.
Il est aujourd’hui légal d’être parlementaire et de tirer des revenus nettement supérieurs d’une activité de conseil par exemple. Martin Hirsch a cité les cas de Jean-François Copé et de Gérard Longuet. Personnellement, j’ai cessé mes activités d’avocat dés mon élection de sénateur.
4/ Interdire pendant les trois ans qui suivent la fin de leur fonction ou de leur mandat, aux ministres, parlementaires, membres de cabinet, directeurs de l’administration de se procurer un revenu ou un avantage en lien direct avec leurs anciennes activités publiques.
La pratique du « pantouflage » qui permet de récompenser les services passés donne lieu à de véritables conflits d’intérêts.
5/ Supprimer les immunités des parlementaires, sauf si le fait poursuivi a un lien direct avec l’exercice du mandat de parlementaire ou avec sa liberté d’expression.
L’immunité qui protège un parlementaire a de fortes raisons historiques. Elle ne doit pas devenir un obstacle au travail du juge dès lors que les faits concernés relèvent d’infractions de droit commun (délit de favoritisme dans les marchés, corruptions, blanchiment…)
6/ Interdire à un élu de recevoir tout cadeau ou avantage d’une entreprise, d’une collectivité ou d’un État étranger (voyages, sponsoring…), sauf situations réglementairement autorisées (présents dits « mémoriels » inférieurs à 100 euros remis lors d’une rencontre officielle, invitation à un diner officiel en présence de nombreuses personnes…). Rappelons-nous les vacances de Nicolas Sarkozy offertes par ses amis industriels.
À titre d’exemple, je viens de recevoir un mail me proposant de me rendre en Azerbaïdjan, tous frais payés, pour passer une journée à « un forum sur le dialogue interculturel » et deux jours de tourisme … Plus fréquemment, les entreprises organisent des voyages pour participer à des évènements sportifs ou culturels. Cette pratique, strictement interdite aux États-Unis, a été plusieurs fois dénoncée comme dangereuses par les organismes de déontologie.
7/Réglementer encore plus précisément le lobbying.
Le lobbying est utile s’il apporte des éléments d’information. Il ne doit pas transformer un élu en porte-parole d’un lobby. Un rapport récent de l’Assemblée nationale pointe des collaborateurs parlementaires payés par des entreprises.
ALAIN ANZIANI (sénateur de Gironde)